D I R E C T I O N S

l’informe
Publiée le lundi 28 novembre 2005.

Les rives de la Rance, envahies par une végétation qui me rappelle les lieux de vagabondage de mon enfance, plantes rudérales, pans de paysage non entretenus, où la forme du sol, de la terre, est dérobée : les branches des saules qui ploient jusqu’au sol et s’accouplent aux liserons grimpants, buissons d’orties, voiles de lierre moutonnant, armées de roseaux descendant les berges, les pieds dans l’eau, les différentes masses, frissonnant sous le vent, cherchant à se réunir pour former un continuum. Les pentes se font vagues ; la pierre, le solide, sont avalés ; toute géométrie disparaît.

Avec cette idée que le plein recouvre peut-être le vide, que l’ombre dissimule les entrées, les passages, que l’informe est au travail, qu’il prend le dessus, qu’il est peut-être la vérité et qu’alors, il faut ressentir les formes inépuisables de l’informe.

Corps étranger : l’idée d’une forme telle qu’elle se manifeste quand, nageant sur le dos, dans la mer, on la frôle du revers de la main, oblongue, texture mi-dure mi-molle, l’envisageant avant le retrait brutal puis, réflexif, souhaitant presque la retrouver .

Et la peau, je la regarde de trop près, remontant la ligne de l’épaule ou celle de la hanche sans saisir de grain, seulement le frottement d’une couleur sur la rétine.

C’est comme si j’avais redécouvert cela : que l’informe avait des apparences, des formes, et que je devais m’y attacher. Alors, j’ai regardé des choses qui n’avaient pas de forme : de larges pans d’ombre, des berges, des choses cachées sous la peau du ventre, des épaisseurs sans consistance, des gestes même, une main qui se resserre sur un vide, un brasillement de reflets, une succession de noms de choses. Tout cela comme si je connaissais trop les découpures, les silhouettes et les ombres portées, les trajets aussi, les corps et la force de leurs appels. Comme s’il y avait plus à penser, pour la vie des formes, dans les bourrelets d’une adolescente marchant dans le sable sur la pointe des pieds que dans un accomplissement quelconque (acte ou représentation).

Ca se brasse, ça salit, ça s’incruste, peut-être que ça ne finit pas...

A un moment, ça s’est dégagé



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